Hoste, haut lieu de la bataille du 14 juin 1940…

174ème Régiment de Mitrailleurs d’Infanterie de Forteresse.

Le système d’inondations défensives était prêt fin 1934, mais restait un obstacle passif. A partir de 1935, on va donc commencer à construire quelques blockhaus ainsi que des casernes pour y loger les soldats qui défendront le secteur. Ainsi une caserne sera construite à Saint-Jean-Rohrbach pour le 1er bataillon du 69ème Régiment d’Infanterie de Forteresse. A la déclaration de guerre de septembre 1939, ce bataillon voit tripler ses effectifs avec l’arrivée des réservistes et forme le 174ème Régiment de Mitrailleurs d’Infanterie de Forteresse qui sera déployé entre Hoste-Haut et Puttelange-lès-Farschviller (aujourd’hui Puttelange-aux-Lacs).

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L’entrée en guerre

A partir de la fin du mois d’août 1939 les hommes du 174ème RMIF vont occuper leurs emplacements de combat.
Le 1er septembre, ils voient partir la population civile : c’est l’Evacuation, l’exil forcé de 610.000 alsaciens et mosellans habitant en avant et à proximité de la ligne Maginot.

Le 3 septembre, la France déclare la guerre à l’Allemagne.

Après quelques combats vers la frontière durant le mois de septembre (l’Opération Sarre) commencera une longue période d’attente : la « Drôle de guerre ».
Les hommes du 174ème RMIF, qui partagent les positions avec les hommes des divisions de passage, vont se transformer en terrassiers, maçons, charpentiers… pour fortifier la ligne principale de résistance.

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« Ils disaient Drôle de guerre… ceux qui n’y étaient pas. » (Henri HIEGEL)

La boue…

… Dès l’automne, l’eau et la boue rendent les conditions de vie particulièrement difficiles. Au mois de novembre, la pluie tombe continuellement entraînant des inondations. Ces dernières ne sont pas uniquement provoquées par le débordement des cours d’eau, mais également par l’eau coulant de sillon en sillon depuis les terres les plus élevées, se répandant et faisant glisser la terre…


… Les chariots à travers champs et bois avaient creusé des pistes de plus en plus larges que la pluie remplit de boue liquide profonde…

…Nous avons la pluie depuis quatre jours à nouveau et cette fois ci c’est pire que jamais. La prairie où nous sommes est inondée et tous nos travaux sont comblés. Notre abri menaçait de s’effondrer, nous avons été obligés de l’évacuer, les tranchées, les boyaux et le trou de notre arme sont éboulés et pleins d’eau. Hier il a fallu que nous retirions les caisses de cartouches avec des chaînes…


…Ici, nous pataugeons dans la bouillabaisse, il faut voir dans quel état nous sommes, de véritables hommes de boue…


…toujours dans la boue, on en a marre. Nous étions plus de quarante à la visite, tous pour des rhumes. Je me demande ce qu’ils attendent pour nous faire relever… (Témoignages)

Conditions de vie

…Ce matin il est venu un sous-officier nous enlever toute notre installation électrique. Il parait qu’il y a eu encore deux types d’électrocutés hier par des installations défectueuses. Alors il est paru une note pour démonter tout ce qui n’était pas régulier. Nous voilà beaux, à quatre heures il fait nuit noire, je me demande comment nous allons faire pour manger, nous n’avons ni pétrole, ni bougies. Nous allons vivre comme des taupes constamment dans le noir… (Témoignage)

Le froid

Avec l’hiver le sol redevint ferme. Mais il fallait alors se défendre contre les grands froids. Quelques poêles et braseros furent distribués et les hommes récupérèrent des fourneaux dans les maisons des villages avoisinants. Ce froid vif empêchant de creuser le sol, les hommes disponibles étaient employés à l’abattage des arbres et à la préparation des rondins.
… Janvier 1940 : La température est descendue à “moins trente”. On sciait le pain et on coupait à la hache le vin à distribuer aux soldats. Les tonneaux avaient éclaté et le “pinard” n’était plus qu’un bloc de glace aux reflets violacés…
… Nous couchions dans des granges encore remplies de foin où nous nous enfoncions tout habillés, le grand béret kaki sur le visage, car il arrivait qu’un rat se promène par là…
 (Témoignages)

Le réveil brutal du 10 mai 1940

10 mai 1940 : c’est le début de l’offensive allemande contre la Hollande, la Belgique et le Luxembourg.


Du 12 au 15 mai, les allemands lancent une attaque de diversion contre la ligne Maginot.


Durant la deuxième quinzaine du mois de mai, les divisions d’infanterie qui renforçaient la ligne Maginot sont retirées pour être transférées dans le Nord du pays.


Dans notre secteur (4ème Armée), les troupes de forteresse restent seules en première ligne, alors que deux divisions d’infanterie vont être déployées sur leurs arrières.

Secteur du 174ème RMIF

Au début du mois de juin, les allemands attaquent les avant-postes situés quelques kilomètres en avant de la Ligne Principale de Résistance. L’avant-poste de Loupershouse, tenu par le 174ème RMIF tombe aux mains des allemands le 2 juin à l’aube. A 10 h 30 les allemands arrivent à Ellviller et au Sud de la forêt de Farschviller, en face des positions françaises du Kalmerich.


Ils vont pouvoir maintenant préparer la phase ultime de leur plan : lancer une attaque frontale contre la ligne Maginot dans le secteur le plus faiblement fortifié : la Trouée de la Sarre. Cette attaque prendra pour nom de Code: Opération Tiger.

L’OPERATION TIGER

Elle est déclenchée le 14 juin à l’aube dans la Trouée de la Sarre par la 1ère Armée allemande du général von WITZLEBEN.
Ce même jour les troupes allemandes défilent dans Paris déclarée ville ouverte.

Appuyées par plus de 1000 pièces d’artillerie et une centaine d’avions, 6 divisions allemandes se lancent à l’assaut des positions françaises défendues par 6 régiments et deux bataillons de mitrailleurs, soutenus par une centaine de canons, mais ne bénéficiant d’aucun appui aérien.

La plus forte concentration de troupes ennemies se trouve face aux positions du 174ème RMIF: un Corps d’Armée allemand face à un Régiment français renforcé par un bataillon de mitrailleurs. Ci-contre, la carte du couloir d’attaque du 12 AK Allemand.

L’attaque va se dérouler en trois phases successives :

– Bombardement général de l’artillerie allemande.

– Bombardement de l’aviation et tirs d’embrasures.

La plus forte concentration de troupes ennemies se trouve face aux positions du 174ème RMIF: un Corps d’Armée allemand face à un Régiment français renforcé par un bataillon de mitrailleurs. Ci-contre, la carte du couloir d’attaque du 12 AK Allemand.     L’attaque va se dérouler en trois phases successives : – Bombardement général de l’artillerie allemande. – Bombardement de l’aviation et tirs d’embrasures. – Assaut de l’infanterie allemande.
 
    Ci contre, voici quelle était la situation à l’aube du 14 juin

L’attaque entre les étangs de Hoste-Haut et Hoste-Bas.

Les troupes d’assaut allemandes de l’IR 499 doivent d’abord neutraliser les soldats français retranchés dans les caves de Hoste-Bas aménagées en point d’appui.

Au prix de pertes élevées, les assaillants parviendront à installer des pièces d’artillerie qui vont effectuer des tirs d’embrasures pour neutraliser les blockhaus.

Vers 15 h30, la plupart des armes automatiques françaises ont été réduites au silence.

L’infanterie allemande peut alors progresser en longeant la digue de l’étang de Hoste-Haut. Armés de mitraillettes, de grenades, de lance-flammes, les allemands s’approchent des blockhaus par des angles morts. Ils somment les défenseurs de se rendre, menaçant de faire sauter les ouvrages. Le sous-lieutenant RUDOLF et ses hommes, qui occupaient la casemate R8B qui défend la digue et le passage de l’étang de Hoste-Haut sont totalement cernés et doivent se rendre. Il est 16 h.

Une contre-attaque française menée par le corps franc du bataillon ne permettra pas de rétablir la situation et les autres défenses de la position tomberont les unes après les autres.

Alors que les allemands poursuivent leur progression vers le village de Hoste-Haut, les défenseurs français reçoivent l’ordre de se replier…

Défense de la digue de l’étang de Hoste-Bas.

La digue de l’étang de Hoste-Bas et la route menant de Hoste-Bas vers Puttelange sont défendus par le lieutenant GERARD et ses hommes regroupés autour du Point d’Appui (PA) de la Barrière.

Le 14 juin à l’aube, lorsque le bombardement débute, les défenseurs du PA se rendent à leurs postes de combat.
Lorsque les tirs de l’artillerie lourde cessent, les allemands ouvrent le feu avec des canons à tirs tendu pour neutraliser les armes en place dans les créneaux des blockhaus.

La casemate C12B du lieutenant GERARD est la première mise hors de combat.

Bien que soumis tout au long de la journée à de violentes attaques, les défenseurs du PA garderont le contrôle de la position… Jusqu’au moment où, dans la soirée, ils auront l’ordre de se replier…

L’attaque du bois du Kalmerich débute comme sur l’ensemble du front de la Trouée de la Sarre le 14 juin 1940 par un bombardement général de l’artillerie allemande. La casemate de l’aspirant LAMAZE est rapidement mise hors de combat.

La bataille se poursuit ensuite par les bombardements aériens et les tirs d’embrasures des canons de 8,8 et 3,7 cm.

Puis l’infanterie allemande passe à l’assaut. Malgré des pertes importantes, les fantassins prennent pied sur la rive Sud du Hosterbach et neutralisent les blocs de défense en lisière de la forêt, ainsi que la casemate de l’aspirant MILLER. Dans l’après-midi, l’ennemi progresse pour s’emparer de la casemate centrale, Poste de Commandement de la CM 6 (6ème compagnie de mitrailleurs du 174ème Régiment de Mitrailleurs d’Infanterie de Forteresse) et dans la soirée l’ensemble du bois est investi.

L’attaque du bois du Kalmerich vue à travers une carte postale allemande.1 Blockhaus à l’orée de la forêt.
2 Casemate STG de l’aspirant LAMAZE entre le Kalmerich et le Hosterbach.
3 Casemate STG de l’aspirant MILLER entre le Kalmerich et le Hosterbach.
4 Eglise de Hoste.
5 Moulin Virigsmühl

Bilan de l’Opération Tiger dans la Trouée de la Sarre le 14 juin au soir

Au soir de la bataille, le bilan humain est très lourd: près de 750 soldats français et polonais ont trouvé la mort et 1800 ont été blessés ce jour-là. Côté allemands on déplore 1200 combattants tués et 4000 blessés.

Malgré une supériorité écrasante en hommes et en matériel et quelques succès locaux, les allemands ne parviendront pas à rompre la ligne principale de résistance.

La perte de Kalmerich aura néanmoins une grave conséquence pour la suite des événements.

En effet, le 14 juin au soir, malgré leur héroïque résistance, les troupes françaises auront l’ordre de se replier.

Le message sera transmis par des agents de liaisons aux soldats qui combattent sur les positions. Celui qui sera chargé de le transmettre aux défenseurs du Kalmerich, sera fait prisonnier par les soldats allemands. Ils trouveront sur lui l’intégralité de l’ordre de repli.

Informé de l’abandon des positions par les troupes françaises, les allemands vont se lancer à leur poursuite.

Quelle victoire ?

Au terme de la première journée de l’Opération TIGER, les hommes de la 1ère Armée allemandes ont entamé la ligne principale de résistance, mais n’ont pas pu exploiter ces brèches étroites. Pour les allemands c’est un échec…
Les troupes françaises ont vaillamment résisté, combattant à certains endroits à un contre dix, mais le terrain perdu (avancées et villages de Biding et de Cappel-Barst, infiltration entre les étangs de Hoste-Haut et Hoste-Bas, conquête du bois du Kalmerich à l’Est de Hoste-Bas) ne pourra être repris, faute de renfort… et le sacrifice des défenseurs français sera réduit à néant par l’ordre de repli exécuté le 14 juin dans la soirée.
Et la propagande allemande transformera cette défaite en victoire…

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